La bataillle de Kobanê : entre offensive djihadiste, complicité turque et résistance kurde

Texte de l’OCL qui commence à dater (30 septembre) mais qui permet de comprendre les tenants et les aboutissants de la situation au moyen Orient.

 

L’offensive de l’État islamique (EI) lancée sur Kobanê, l’un des trois cantons Kurdes de Syrie, le 15 septembre, se poursuit et marque un épisode crucial à la fois de la guerre en Syrie et de la révolution lancée par les mouvements de la gauche kurde.
L’enjeu de cette bataille détermine le sort du Kurdistan tout entier et de l’ensemble du Moyen-Orient.

Kobanê, troisième ville kurde de Syrie, peuplée avant la guerre d’environ 300 000 habitants, mais abritant aujourd’hui plus de 200.000 réfugiés, est depuis plus d’une semaine le théâtre d’une des opérations militaires des djihadistes les plus brutales, et après celle de Homs, la plus cruelle.

Une conséquence du renforcement des islamistes

L’origine immédiate de cette attaque se trouve à l’extérieur de la Syrie. En Irak, l’EI a réussi à s’emparer d’un énorme butin d’armes, en partie du régime de Saddam Hussein mais surtout d’une énorme quantité d’armes lourdes et de blindés abandonnés par les États-Unis et la « nouvelle » armée irakienne. Quand, au mois de juin, l’EI a occupé Mossoul, il a trouvé des arsenaux presque intacts. En août, le groupe islamiste se lançait contre Sinjar parce que cette ville est pour l’essentiel peuplée de yézidis. Le but de l’EI est d’exterminer littéralement toute religion qui n’est pas musulmane sunnite. Ces événements ont provoqué une réponse internationale et les États-Unis ont commencé à bombarder des positions de l’EI permettant ainsi une certaine reprise du terrain de la part des troupes kurdes irakiennes (barrage de Mossoul notamment).

Lors des évènements de Sinjar, la principale milice kurde Syrie, les YPG (Yekîneyên Parastina Gel / Unités de défense du peuple), vont intervenir pour la première fois sur le sol irakien pour sauver des dizaines de milliers de réfugiés, abandonnés de tous, en envoyant des renforts depuis le Rojava (Kurdistan de Syrie). Des renforts qui ont joué un rôle fondamental dans les monts du Sinjar, en organisant des couloirs humanitaires et en organisant les premières unités d’auto-défense yézidis, mais aussi sur d’autres points de la ligne de front, en particulier en reprenant, avec les combattants du PKK accourus eux-aussi, la ville de Makhmour et les villages alentours.

Paradoxalement ou pas, les bombardements américains, qui ont certainement sauvé de nombreux civils en Irak, ont provoqué cette attaque brutale sur le territoire syrien. Il n’est pas possible d’agir en Irak sans réfléchir à l’échelle globale, particulièrement sur les développements en Syrie, car cela revient à se protéger sur un flan en laissant l’autre à découvert.

Mais les États-Unis ne semblent pas avoir une stratégie qui aille au-delà de la protection des champs pétroliers et du rétablissement des anciens cadres nationaux et institutionnels. En ce sens, frapper l’EI en Irak (et surtout en Irak), récupérer Mossoul et les riches provinces du nord, aider à consolider le régime autonome du Kurdistan irakien, ce qui revient simultanément à faire refluer les djihadistes et les renvoyer en Syrie (où ils seront plus utiles pour les Occidentaux en combattant à la fois le régime de Damas et les kurdes ‟terroristes‟ du PKK-PYD), apparaissent comme l’axe principal des États-Unis et de la coalition qu’ils entendent mettre sur pied et diriger.
Les bombardements récents sur le sol syrien obéissent à cette ligne générale, même s’ils ouvrent apparemment un second front anti-djihadiste ayant pour visée et effet attendu d’affaiblir le régime de Bachar el-Assad.

Kobanê est située dans la province de Raqqa qui est la place force de l’EI, sa ‟vraie” capitale, vers laquelle se replieront les troupes djihadistes en cas d’offensive majeure sur Mossoul (province de Ninive) et sur l’ouest irakien (la grande province d’Al-Anbâr au ¾ désertique mais avec les villes rebelles de Ramadi et Falloujah et des frontières incontrôlées avec la Jordanie et l’Arabie Saoudite).

Lire la suite sur le site de l’OCL

Black block d’Iran et Réseau de solidarité anarchiste

Déclaration de soutien à tous les Kurdes et à leur lutte pour la liberté

Nous, anarchistes de langue Farsi, exprimons avec force notre solidarité avec vous et nous exprimons notre extrême colère quant à l’injustice que subissent enfants, hommes et femmes, pour le profit du capital, des occupants, des criminels de guerre, des hommes d’Etat tyranniques.

Nous anarchistes, considérons que les droits des Kurdes et des Palestiniens sont tellement liés les uns aux autres qu’ils devraient être reconnus comme ne faisant qu’un. Les impérialistes en tout genres, main dans la main avec le régime islamique d’Iran, sont en train de ruiner la vie de personnes innocentes de cette planète tant au niveau régional qu’à l’échelle mondiale.

En premier lieu les dirigeants occidentaux déclarent se battre contre l’islamisation, mais au lieu de fournir aux résidents musulmans l’éducation gratuite et universelle, construisent de plus en plus de mosquées qui ne les libèrent pas de l’ignorance.

Laissez-nous exposer les sales tours des dirigeants occidentaux à tous les niveaux de la société occidentale, y compris parmi les gauchistes occidentaux. L’ignorance de ces gauchiste distraie le monde des véritables catastrophes, des faits et de toutes les choses terrifiantes qui se passent au Moyen-Orient, et a fait de la majorité des militants des forces hors de fonction en Europe, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et d’autres pays.

Pire encore, le militantisme de la gauche a tourné au travail « contre » les gens du Moyen-Orient, aboutissant au recrutement pour une superarmée du Hamas, du Hezbollah libanais et du régime islamique iranien criminel, dans des manifestations de masse en Europe et ailleurs organisées par des mosquées au nom du soutien à la cause palestinienne.

Ces gauchistes et groupes prétendument révolutionnaires ont défilé sans vergogne derrière le Hamas, le Hezbollah libanais et des drapeaux des régimes islamiques, et leur principale média était « Press TV », financé par le régime islamique d’Iran. Ils ont montré au monde entier, et aux gens du Moyen-Orient, qu’ils n’ont absolument aucune idée de ce pourquoi les gens du Moyen-Orient se battent et de ce dont notre peuple a souffert pendant tant de décennies et de siècles de la part de criminels de guerre sanglants et de toutes sortes de forces religieuses et de dirigeants réactionnaires.

Il est clair comme le jour, que le budget des mosquées dans les pays occidentaux et des rassemblement qu’elles organisent sont assurés par le régime islamique d’Iran, qui vit dans le sang des innocents Iraniens.

D’une part, les réseaux sociaux de médias sur Internet ont mis en lumière que les Républicains sous John McCain comme les Démocrates sous Hillary Clinton, ont admis sans honte comment ils ont créé « L’Etat islamique » « Daesh / ISIS », avec pour résultat que les gens du Moyen-Orient seront sacrifiés comme du bétail.

D’autre part, les régimes fascistes de Turquie, de Syrie, d’Iran, d’Arabie saoudite et d’Israël ont transformé la terre des peuple syriens, irakiens, palestinien et kurdes en un champ de commerce militaro-politique entre eux, qui détruit la vie de millions d’enfants innocents, de femmes et d’hommes.

Le monde prend conscience du racket exercé par les forces sanglantes de Daesh / ISIS qui profitent de milliards de dollars en vendant du pétrole à de grandes puissances tout en étant supportées militairement par des gouvernements oppressifs et réactionnaires de la région.

Assez, c’est assez !!!

Nous anarchistes, avec toute notre énergie et nos capacités, devrons trouver des solutions par nous-mêmes et avec le pouvoir des peuples, sans accepter aucune aide d’aucuns dirigeants corrompus ou de forces religieuses sanglantes ou de leurs instituts.

Le Hamas en Palestine comme toutes les autres forces religieuses sont des créatures du sionisme, de la CIA et d’autres grandes puissances.

Les nombreux siècles d’histoire du Moyen-Orient et de ses habitants, prouve que toute religion quel que soit son nom ou son but, a infligé les mêmes catastrophes dans la vie de personnes innocentes :

Lorsque la première pierre à une femme condamnée à la lapidation, doit être lancée par son propre fils (si elle en a)

Lorsque les doigts usés d’un pauvre innocent doivent être coupées par la guillotine

Quand le fouet descend sur le corps d’une femme / d’un homme innocent simplement parce qu’ils ne pratiquent pas le jeûne

Quand une femme / fille innocente doit être la 2e, 3e ou 4e épouse d’un vieillard décrépit

Quand une enfant de 9 ans doit épouser un tyran vieillissant

Quand les parents noyés dans le tourbillon de la pauvreté doivent vendre leurs organes pour nourrir leurs enfants

Lorsque à la place de la liberté de leurs enfants, leurs seront donnés les corps décapités de leurs proches, leurs vêtements imbibés de sang

Quand nos filles et fils seront violées par des tessons de bouteilles et leurs cadavres mutilés rendus à leurs parents le lendemain

Quand nos filles doivent être violées avant l’exécution selon les règles d’un Dieu sanguinaire

Quand des milliers d’autres scènes de torture font partie de la réalité en Iran ou dans tout autre pays en vertu de règles islamiques brutales exposant la vraie nature de Daesh / ISIS, du Hamas, du Hezbollah libanais, du régime islamique d’Iran – ainsi que tout autre groupe ou force violente et réactionnaire religieuse qui sont exactement du même moule

Chers Kurdes, nous croyons qu’à ce point de l’histoire, où une telle guerre ruineuse se passe contre vous tous, contre vos maisons et vos vies, notre tâche n’est pas seulement de vous aider mentalement mais aussi physiquement et nous sommes avec vous coude à coude, et nous allons continuer à lutter pour la liberté.

Vive la lutte de tous les peuples opprimés

Vive la liberté, l’égalité et la justice sociale

Pour détruire l’alliance cachée du capitalisme et du fondamentalisme religieux, Daesh, le sionisme, le Hamas, le Hezbollah du Liban, le régime islamique d’Iran et tous les autres réactionnaires.

Black Block d’Iran et réseau anarchiste

Vue sur le site Regard Noir de la Fédération anarchiste

 

Un vendeur de journaux kurdes assassiné en Turquie

Un distributeur de journaux kurdes, Kadri Bagdu, a été assassiné le 14 octobre à Seyhan, dans la région d’Adana. Reporters sans frontières (RSF) a condamné fermement cet assassinat qui ravive le souvenir des années noires en Turquie.« L’assassinat ciblé de Kadri Bagdu évoque les heures les plus sombres de la récente histoire turque » a déclaré l’organisation.

Le vendeur de journaux âgé de 46 ans était en train de distribuer les quotidiens kurdes Azadiya Welat et Özgür Gündem dans le quartier Sakir Pasa de Seyhan, lorsque deux individus à moto ont tiré sur lui avant de prendre la fuite. Atteint de cinq balles, dont une à la tête, il a succombé à ses blessures quelques heures plus tard.

Employé de la société de presse Firat, Kadri Bagdu travaillait depuis 17 ans dans ce secteur. L’organisation rappelle que cet assassinat intervient au terme d’une semaine marquée par les émeutes les plus violentes depuis 30 ans en Turquie.

« Nous adressons nos sincères condoléances aux proches et aux collègues de Kadri Bagdu », déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. « Une enquête complète et impartiale doit être diligentée pour identifier au plus vite les tireurs et leurs éventuels commanditaires. Nous en appelons aux autorités et à toutes les parties prenantes pour enrayer la montée des tensions et éviter qu’à cet assassinat ciblé ne succède une nouvelle spirale de violence. »

La politique liberticide du gouvernement AKP et sa position inhumaine et anti-kurde face à la résistance des combattants qui défendent farouchement la ville de Kobané, assiégée par les barbares de Daesh depuis 15 septembre, a déclenché le 6 octobre une mobilisation sans précédente des Kurdes en Turquie, se soldant par la mort d’une quarantaine de personnes en une semaine.

Près de 80 travailleurs de la presse kurde tués

L’assassinat de Kadri Bagdu rappelle les années 1990, au cours desquelles des dizaines de journalistes et distributeurs kurdes ont été assassinés en plaine rue et les locaux des journaux ont été la cible des attaques à la bombe.

Entre le 30 mai 1992 et le 14 avril 1994, huit correspondants et dix-neuf distributeurs du quotidien Özgür Gündem ont été assassinés par les forces de l’Etat. Interdit en 1994, ce journal a de nouveau vu le jour en avril 2011, soit 17 ans plus tard.

Après l’interdiction, le journal Özgür Ülke avait remplacé Özgür Gündem avec le slogan « Aucune vérité ne restera dans l’obscurité ». Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1994, trois explosions ont visé deux bureaux du journal à Istanbul et un à Ankara, faisant un mort et 23 blessés parmi les travailleurs. Quinze jours plus tard, le journal a révélé un document « confidentiel » signé par Tansu Ciller, la première et la seule femme à exercer la charge de Premier ministre dans son pays entre 1993 et 1996.

Depuis le premier journal de cette tradition, appelée « la presse libre », plus de 50 journaux quotidiens et hebdomadaires sont sortis, défiant toutes les autorités répressives. Au moins 77 travailleurs de la presse kurde dont plus de 30 correspondants ont été tués depuis 1990 en Turquie, tandis que des dizaines de journaux ont été fermés des centaines de reprises et des locaux ont été détruits par des bombes sur ordre des autorités.

23 journalistes emprisonnés

En 2013, la Turquie était la plus grande prison du monde pour les journalistes. Entre 2009 et fin 2013, le nombre de journalistes emprisonnés a dépassé le seuil des 100 personnes. Selon la Plateforme de soutien aux journalistes emprisonnés (TGDP), 23 journalistes dont 3 rédacteurs en chef et directeurs étaient toujours derrière les barreaux en juillet 2014.

Lu sur Actukurde.fr

Quatre choses que la gauche doit apprendre de Kobanê

De nombreuses réactions des gauches occidentales se sont quelque peu repliées de manière prévisible dans le recyclage des critiques de l’impérialisme américain et britannique, sans voir ce qui est vraiment exceptionnel et remarquable dans les évolutions récentes, entre autres le surgissement de l’hypothèse PKK/PYD d’autonomie démocratique en tant que puissante solution de rechange à l’autoritarisme de l’AKP et à la crise des États-nations de toute la région.
Quatre enseignements que nous pouvons et devons retirer des événements de et autour de Kobanê.


Le 7 octobre 2014 – The Disorder of Things

La ville kurde de Kobanê est récemment devenue le centre d’une conflagration géopolitique qui pourrait bien changer le cours de la politique au Moyen-Orient. Après des mois de silence sur la menace que l’EIIL fait peser sur les Kurdes, le monde regarde enfin, même si la ‟communauté internationale” reste remarquablement silencieuse.

Cependant, de nombreuses réactions occidentales, qu’il s’agisse d’universitaires, de journaleux ou de militants, se sont quelque peu repliées de manière prévisible dans le recyclage des critiques de l’impérialisme américain et britannique, souvent au prix de ne pas saisir ce qui est vraiment exceptionnel et remarquable dans les évolutions récentes. Ainsi, à la manière de ces petits articles sous forme de liste numérotée de la gauche contemporaine, voici quatre éléments que nous pouvons et devons apprendre des événements de et autour de Kobanê.

1. – Il est temps de questionner la fixation de l’Occident sur l’EIIL

Si l’on devait croire Barack Obama, David Cameron et Recep Tayyip Erdoğan, la ‟sauvagerie” du ‟fondamentalisme” est l’objectif principal de l’implication de l’OTAN en Syrie. Notamment, de nombreux critiques de gauche reproduisent cette même fixation sur l’EIIL lorsqu’ils examinent les intérêts occidentaux. Cependant, pour une organisation impérialiste toute-puissante soi-disant déterminée à stopper l’‟extrémisme islamique”, l’OTAN a été curieusement inefficace. En fait, les États-Unis sont indirectement responsables de l’armement de l’EIIL et tout à fait incompétents et/ou réticents à armer la résistance kurde résolument laïque.
Les frappes aériennes américaines et britanniques ont été éphémères, et au mieux symboliques, ayant peu d’impact sur la progression de l’EIIL. En outre, la Turquie a fermé les yeux à plusieurs reprises sur l’utilisation par l’EIIL de son territoire et de ses frontières pour, respectivement, permettre ses activités d’entrainement et ses canaux d’approvisionnement. Plus récemment, alors que Kobanê est sur le point d’être conquise, la Turquie a insisté pour que toute assistance militaire au PYD kurde soit conditionnée à l’abandon par ce même PYD de l’autodétermination et de l’autonomie politique de ses cantons, et sur son acceptation de la zone tampon turque dans les régions contrôlées par les Kurdes dans le nord de la Syrie (ce qui va plus loin qu’un simple accaparement colonial de terres).
Maintenant, en considérant que les États-Unis et le Royaume-Uni étaient décidés à intervenir bien avant que l’EIIL soit perçu comme une menace, et en considérant l’hostilité de longue date de la Turquie envers le PKK/PYD, nous devons être plus exigeants que toutes ces analyses de l’intervention qui commenceraient avec l’EIIL et se termineraient avec lui. En bref, il est de plus en plus clair que l’EIIL est un peu plus qu’un prétexte pour l’OTAN pour poursuivre d’autres objectifs géopolitiques – à savoir le renversement d’Assad et la destruction de l’autonomie kurde.

2. – Se méfier de l’internationalisme libéral

Beaucoup de critiques anti-intervention ont fait valoir que des options non militaires restent disponibles par les canaux diplomatiques et la pression sur les acteurs régionaux tels que l’Iran, les États du Golfe et même la Russie. C’est là une lecture erronée de la situation géopolitique au Moyen-Orient. Tout d’abord, les États-Unis ne contrôlent pas si facilement tous les États alliés. Malgré les relations historiques de dépendance, malgré les métaphores de ‟marionnettes”, la plupart des États du Golfe sont des acteurs à part entière remarquablement puissants, ayant des intérêts et des activités qui échappent au contrôle des États-Unis. Toute suggestion aux Saoudiens de mettre fin à l’aide financière est susceptible d’être aussi efficace que de demander à l’EIIL de se calmer un peu.

Deuxièmement, appeler à un engagement diplomatique américain avec la Russie et l’Iran suppose des relations de coopération internationale qui n’existent tout simplement pas. Cela revient à faire fi des rivalités géopolitiques de longue date entre ces trois États-nations en compétition pour la domination régionale. Cela revient à trop mettre l’accent sur les critères des États occidentaux – « si seulement les États occidentaux avaient obligé les vilains États orientaux à faire ceci ou cela, le conflit serait résolu ».

Enfin, cela revient à marginaliser et ainsi à fermer la porte à la possibilité d’autres solutions non étatiques et anticapitalistes basées sur le projet des PYD/PKK d’autonomie démocratique. En effet, on comprend mal pourquoi les impératifs et les motifs de l’impérialisme qui prévalent tant dans l’action militaire ne seraient pas tout aussi problématiques quand il s’agit de « solutions pacifiques » dirigées soit par les pays occidentaux, soit par des puissances régionales en effet réactionnaires et anti-démocratiques. Ainsi, nous devons critiquer et remettre en question les affirmations du gouvernement selon lesquelles l’intervention militaire est « la seule option ». Mais il faut aussi se méfier du pacifisme creux basé sur des conceptions (néo)libérales et centrées sur l’État de la coopération, dans la mesure où les conditions de cette dernière sont absentes (et d’ailleurs, dans le système de l’État capitaliste, elles sont toujours absentes).

3. – Écouter les voix kurdes

La gauche occidentale souffre souvent d’une tendance débilitante et orientaliste à surestimer l’influence des États-Unis et de reléguer les communautés et les sociétés frappées par l’intervention à un statut d’acteurs passifs, pas dignes d’être analysés en tant que tels. En effet, il est frappant de constater le nombre de commentaires anti-impérialistes qui s’appuient moins sur les expériences et la dynamique des communautés kurdes et davantage sur les critiques rabâchées de la logique de prédation de la Grande Puissance.

D’une part, cela peut entraîner la gauche à reproduire les caricatures de l’« affreux sectarisme » et du « fondamentalisme islamique » d’une manière qui ne semble pas très éloignée des arguments de Cameron et d’Obama.

D’autre part, cela prend bien peu en compte les voix des communautés kurdes attaquées puisque leurs intentions et leurs actions n’ont aucune importance pour s’opposer à ‟l’impérialisme à la maison”. La politique qui en résulte peut souvent être délétère. On pourrait se demander, par exemple, ce que les habitants de Kobanê pourraient bien faire des appels à des « alternatives pacifiques à la guerre ». Ceci est particulièrement important, car au Kurdistan occidental (Syrie du Nord), les Kurdes défendent ce qui est sans doute le meilleur espoir pour une politique de gauche dans la région. Même le regard le plus rapide sur l’organisation constitutionnelle et les réalisations politiques des cantons kurdes feraient honte à la plupart des organisations occidentales.

Pourtant, cette semaine, alors que les grèves de la faim et les manifestations de solidarité du peuple kurde avaient lieu au Royaume-Uni et au-delà, les groupes anti-guerre ont organisé une manifestation tout à fait distincte et potentiellement contradictoire. Plus tôt la gauche occidentale abandonnera ses penchants à réduire la lutte des classes à la géopolitique, plus tôt elle pourra offrir une authentique solidarité aux groupes et aux communautés qui le méritent et en ont besoin.

4. – Garder un œil sur la Turquie

En raison de l’attitude de la Turquie vis-à-vis de Kobanê, le peuple kurde et ses alliés ont envahi les rues des villes à travers toute la Turquie, se sont affrontés avec la police et la gendarmerie à un niveau jamais vu depuis le mouvement de résistance de 2013. Les manifestations ont été militantes et précises dans leurs objectifs, en barricadant les rues, en ciblant les checkpoints, les banques, les bâtiments gouvernementaux, de la police et de l’armée, et, selon certains rapports, en libérant certains quartiers.
Ces derniers temps, la politique en Turquie s’était retrouvée dans une impasse, l’énergie de Gezi semblant se dissiper, prise en tenaille entre la violence d’État et les victoires électorales d’Erdoğan. Dans le même temps, le soi-disant processus de paix kurde est au point mort, peut-être irrévocablement, car la réconciliation de l’Etat turc a prouvé n’être guère plus que des paroles. Il est difficile de prédire si la confrontation actuelle entre les manifestants et l’Etat va augmenter, mais il est clair que les machinations turques au Kurdistan entraîneront une réponse kurde en Turquie.

De grands secteurs de la société turque restent profondément racistes (la nuit dernière un hashtag twitter incitant à la violence contre les Kurdes a connu du succès en Turquie) et de ce fait, la polarisation est probable. Cependant, il y a des raisons d’espérer que ce moment puisse être différent. Gezi a préfiguré un nouveau – mais encore très imparfait – soutien à la libération kurde, plus clairement mis en évidence dans le soutien sans précédent au parti pro-kurde HDP au cours des dernières élections présidentielles en Turquie. En outre, à Kobanê, dans le Rojava et ailleurs, le modèle PKK/PYD d’autonomie démocratique constitue une puissante solution de rechange à l’autoritarisme de l’AKP.
À cet égard, l’avenir de Kobanê est crucial pour les aspirations démocratiques et révolutionnaires des peuples turc, syrien, ainsi que kurde.

le 7 octobre 2014

Notes de la traduction :
La plupart des textes en anglais continuent d’utiliser l’ancien nom ‟ISIS” (pour État islamique en Irak et au Levant) pour désigner les djihadistes de cette organisation.
PKK : Parti des travailleurs du Kurdistan (Turquie)
PYD : Parti de l’unité démocratique, le parti-frère du PKK dans le Rojava (Kurdistan occidental / de Syrie).
Le terme de « Gauche » dans le monde anglo-saxon tend à inclure plutôt les militant-e-s et les groupes qui veulent changer l’ordre des choses, et à exclure les « gauches de gouvernement » et de gestion du capital. C’est plus que l’extrême-gauche et moins que toute la gauche.

Lu sur Le site de l’Organisation Communiste Libertaire

À Kobané, dans le Kurdistan syrien, des anarchistes de Turquie rejoignent le combat contre Daech

Depuis plusieurs jours, la ville de Kobané subit les attaques de Daech (État islamique en arabe), provoquant un exode massif de la ville par les Kurdes.

De nombreux Kurdes reviennent pour se battre et défendre la ville malgré leur refoulement à la frontière par les forces turques. Les forces kurdes continuent à se battre contre Daech à l’intérieur de la frontière aux côtés de l’Armée syrienne libre. Parmi ceux qui vont soutenir et défendre Kobané se trouvent des camarades du groupe anarchiste turc Devrimci Anarşist Faaliyet (DAF, Action révolutionnaire anarchiste).

Déclaration d’Action révolutionnaire anarchiste

À Shingal, Kobané et dans tout le Rojava (Kurdistan de Syrie),
l’État islamique est Dehak (le tyran) et le peuple est Kawa (le libérateur) [1]

L’État islamique, sous-traitant des États qui poursuivent des stratégies de revenu dans la région, attaque le peuple en criant « État islamique ! » et « guerre sainte, djihad ! ». Le peuple souffre de faim et de soif, tombe malade, est blessé ; il migre et il meurt. Dans cette lutte pour l’existence, il continue à se battre. Le peuple se bat, non pour les machinations et stratégies autour des tables de réunion, non pour un revenu, mais pour sa liberté.

Car la liberté, c’est exister face au danger de ne pas exister. Car la liberté, c’est vivre. Comme la lutte de Kawa : défendre la vie en résistant contre les Dehak.

Et maintenant, les États-Unis, l’Union européenne, la Turquie, autant d’États qui s’attendent à tirer des revenus de la région, forment des coalitions contre l’État islamique, la « violence procréée » qui en réalité ne les dérange pas du tout. Ceux qui n’aiment pas leur position au sein de la coalition se mettent à comploter, les rapports se tendent et se détendent, puis se tendent à nouveau, tous les côtés changeant leur discours de l’aube jusqu’à la nuit tombante et agissant de manière incohérente.

C’est après tout la caractéristique la plus évidente de tout État. On ne peut pas attendre des États qu’ils se tiennent droits car les États n’ont pas d’échine. Des États veules dont la seule attente est le revenu auraient hier fondé l’État islamique, aujourd’hui le regrettent, et demain reconnaîtront l’État islamique. Et tout comme par le passé, le peuple se battra toujours pour son avenir et sa liberté.

Salut à tous ceux qui se battent et défendent la vie dans le Rojava !

Tous les complots des États et du capitalisme seront détruits, la violence procréée sera anéantie, l’État islamique perdra face aux combattants de la liberté et le peuple vaincra toujours. Nous tirons notre idéal de la liberté de Kawa, qui s’est élevé contre Dehak. Et nous tirons notre idéal des nombreux camarades luttant contre les Dehak.

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[1] Note de la traductrice : Dehak — le roi tyran — et Kawa — qui s’y opposa, organisa la résistance de ses sujets et mena avec eux une bataille victorieuse contre lui — sont les personnages de la légende kurde à l’origine de la fête du Newroz.

« Depuis la nuit des temps, les Kurdes et les peuples du plateau iranien (Persans, Afghans, Tadjiks) marquent l’équinoxe du Printemps avec des festivités qui peuvent durer plusieurs jours. Dans la tradition kurde, il s’agit de fêter la victoire des forces des lumières et du Bien sur celles des ténèbres et du Mal. La légende du forgeron Kawa soulevant le petit peuple contre le tyran Dahak et mettant fin au règne sanguinaire de celui-ci au premier jour du printemps donne à cette fête traditionnelle un contenu libérateur qui a traversé les siècles. » (Institut kurde).

 

Lu sur La voix du Jaguar

Pourquoi le monde ignore-t-il les révolutionnaires Kurdes de Syrie ?

Au beau milieu de la zone de guerre en Syrie, une expérience révolutionnaire et démocratique est détruite par les djihadistes de l’État islamiste. Le reste du monde, et une grande partie de la « gauche », ne semble pas se rendre compte que c’est un scandale.

David Graeber

Anthropologue et militant anarchiste étatsunien

Le 8 octobre 2014


En 1937, mon père s’est porté volontaire pour combattre dans les Brigades internationales dans le but de défendre la République espagnole. Un possible coup d’Etat fasciste avait été temporairement arrêté par le soulèvement des travailleurs, dirigé par les anarchistes et les socialistes, et dans une grande partie de l’Espagne une véritable révolution sociale s’est produite, ce qui a placé des villes entières en autogestion démocratique, les industries sous le contrôle des travailleurs et l’autonomisation (empowerment) radicale des femmes.

Les révolutionnaires espagnols espéraient créer la vision d’une société libre que tout le monde pourrait suivre. Au lieu de cela, les puissances mondiales décrétèrent une politique de « non-intervention » et ont maintenu un strict blocus de la République, même après qu’Hitler et Mussolini, signataires ostensibles, aient commencé à envoyer des troupes et des armes pour renforcer le camp fasciste. Le résultat a été des années de guerre civile qui ont pris fin avec la défaite de la révolution et certains des massacres les plus sanglants d’un siècle sanglant.

Je n’ai jamais pensé qu’au cours de ma propre vie je verrais la même chose se reproduire. Bien sûr, aucun événement historique ne se produit jamais deux fois. Il existe d’innombrables différences entre ce qui s’est passé en Espagne en 1936 et ce qui se passe aujourd’hui dans le Rojava, les trois provinces kurdes situées dans une grande partie du nord de la Syrie. Mais les similitudes sont si frappantes, et si pénibles, que je pense qu’il est de mon devoir, pour quelqu’un qui a grandi dans une famille dont la politique était à bien des égards définies par la révolution espagnole, de dire : nous ne pouvons pas laisser cette expérience se terminer une fois de plus de la même façon.

La région autonome du Rojava, telle qu’elle existe aujourd’hui, est l’un des rares points lumineux – et même très lumineux – qui émerge de la tragédie de la révolution syrienne. Ayant expulsés les agents du régime d’Assad en 2011, malgré l’hostilité de presque tous ses voisins, le Rojava a non seulement maintenu son indépendance, mais est devenu une remarquable expérience démocratique. Des assemblées populaires ont été créés comme organes de décision ultime, des conseils sont sélectionnés avec un équilibre ethnique réfléchi (par exemple, dans chaque commune, les trois élus principaux doivent inclure un Kurde, un Arabe et un Assyrien ou un Arménien chrétien et au moins l’un des trois doit être une femme), il existe des conseils de jeunes et de femmes et, dans un écho remarquable de l’organisation armée Mujeres Libres (Femmes Libres) d’Espagne, une armée féministe, la milice ‟YJA Star” (l’Union des Femmes Libres, l’étoile – « star » – faisant référence à l’ancienne déesse mésopotamienne Ishtar), qui a réalisé une grande partie des opérations de combat contre les forces de l’État islamique.

Comment une telle chose peut-elle se produire et être encore presque totalement ignorée par la communauté internationale, et même dans une très large mesure, par la gauche internationale ? Principalement, me semble-t-il, parce que le parti révolutionnaire du Rojava, le PYD, est l’allié du Parti des travailleurs du Kurdistan turc (PKK), un mouvement marxiste de guérilla qui, depuis les années 1970, a été engagé dans une longue guerre contre l’Etat turc. L’OTAN, les États-Unis et l’UE l’ont officiellement classé comme une organisation « terroriste ». Pendant ce temps, les militants de gauche dans leur grande majorité le dénigraient comme stalinien.

Mais en réalité, le PKK lui-même n’a plus grand-chose d’équivalent avec le vieux et vertical parti léniniste qu’il a été. Son évolution interne et la conversion intellectuelle de son propre fondateur, Abdullah Öcalan, détenu dans une île-prison turque depuis 1999, l’a amené à changer complètement ses objectifs et ses pratiques.

Le PKK a déclaré qu’il n’essayait même plus de créer un Etat kurde. Au lieu de cela, en partie inspiré par la vision de l’écologiste social et anarchiste Murray Bookchin, il a adopté la vision du ‟municipalisme libertaire”, appelant les Kurdes à créer des communautés libres et autonomes, sur la base des principes de la démocratie directe, qui par la suite s’uniraient au-delà des frontières nationales – et qui seront appelées à être progressivement dénuées de sens. Ainsi, ils ont suggéré que la lutte kurde puisse devenir un modèle pour un mouvement mondial vers une véritable démocratie, une économie coopérative et la dissolution progressive de l’État-nation bureaucratique.

Depuis 2005, le PKK, inspiré par la stratégie des rebelles zapatistes du Chiapas, a déclaré un cessez le feu unilatéral avec l’Etat turc et a commencé à centrer ses efforts sur le développement de structures démocratiques dans les territoires qu’ils contrôlaient déjà. Certains se sont demandé si tout cela était vraiment sérieux. Il est clair que des éléments autoritaires demeurent. Mais ce qui s’est produit dans le Rojava où la révolution syrienne a donné aux radicaux Kurdes la possibilité de réaliser de telles expériences dans un territoire étendus et contigu, suggère que c’est là autre chose qu’une façade. Des conseils, des assemblées et des milices populaires ont été formés, les propriétés du régime ont été remises à des coopératives ouvrières autogérées, et cela malgré les attaques continues des forces d’extrême droite de l’Etat islamique (EI). Les résultats sont conformes à toute définition d’une révolution sociale. Au Moyen-Orient, au moins, ces efforts ont été remarqués : en particulier suite à l’intervention des forces du PKK et du Rojava qui se sont frayées un chemin avec succès à travers le territoire de l’EI en Irak pour sauver des milliers de Yézidis réfugiés pris au piège dans les Mont Sinjar après que les peshmergas locaux se soient enfuis. Ces actions ont été largement célébrées dans la région, mais n’ont remarquablement presque pas attiré l’attention de la presse européenne ou américaine.

Maintenant, l’EI est de retour, avec des dizaines de chars de fabrication américaine et de l’artillerie lourde prises aux forces irakiennes, pour se venger contre un grand nombre de ces mêmes milices révolutionnaires à Kobanê, déclarant son intention de massacrer et d’asservir – oui, littéralement asservir – l’ensemble de la population civile. Pendant ce temps, l’armée turque s’est déployée à la frontière pour empêcher que des renforts et des munitions atteignent les défenseurs de la ville, et les avions américains passent au-dessus en bourdonnant et jettent quelques minuscules et occasionnelles bombes symboliques, apparemment seulement pour pouvoir dire qu’il n’est pas vrai qu’ils n’ont rien fait alors qu’un groupe qu’ils prétendent combattre militairement, est en train de liquider les défenseurs de l’une des plus grandes expériences démocratiques au monde.

S’il y avait un parallèle à faire aujourd’hui avec les dévots superficiels de Franco, les tueurs phalangistes, qui serait-il sinon l’EI ? S’il y avait un parallèle à faire avec les Mujeres Libres d’Espagne, lequel peut-il être sinon ces femmes courageuses qui défendent les barricades à Kobanê ? Le monde – et cette fois le plus scandaleusement qui soit, la gauche internationale – va-t-il vraiment être complice d’avoir laissé l’histoire se répéter ?

Publié dans The Guardian (Londres), le 8 octobre 2014.

Traduit sur le site de L’organisation communiste libertaire

Des armes pour la résistance kurde

10632845_881710965187423_4341435713496101175_n-1b9e3-a2a05Depuis près de trois semaines, les combattants des Unités de défense du peuple – qui ne sont pas exclusivement kurdes – (YPG) et des femmes (YPJ) résistent à l’offensive militaire des djihadistes de l’État islamique (EI), avec des effectifs et un armement inférieurs, ils défendent la ville de Kobané avec un courage et une détermination qui forcent le respect.

Malheureusement, ces soutiens et renforts sont loin d’être suffisants. L’assaut des djihadistes sur Kobané bénéficie en effet du fait que la Turquie a verrouillé la frontière et déployé sa police et son armée pour bloquer les renforts, les acheminements en armes et en ressources humanitaires. Aujourd’hui, les djihadistes sont dans la ville. C’est là le résultat tragique de la montée en puissance de l’entité appelée EI, elle-même conséquence de l’effondrement du régime irakien, provoqué par des années de discrimination des sunnites par un gouvernement soutenu sans faille par Obama, des armes déversées aveuglément en Syrie notamment par les états-Unis, mais aussi du soutien apporté par les pétromonarchies du golfe Persique et la Turquie aux divers mouvements armés de l’islam politique en Syrie comme en Irak. Sans compter le million de dollars que la vente du pétrole des puits qu’il contrôle permet à l’EI d’encaisser chaque jour.

La Turquie, loin de venir en aide aux populations menacées par l’avancée de l’EI, fait tout pour affaiblir ou liquider la résistance kurde, qui à ses yeux risquerait de renforcer le poids des Kurdes dans la région, des Kurdes à qui, chez elle, elle a toujours refusé l’autonomie. Après s’être donné un cadre légal pour une intervention terrestre visant « tous les groupes terroristes » présents en Syrie et en Irak, elle conditionne désormais son entrée dans la coalition internationale à la création d’une zone tampon sur le côté syrien de la frontière, placée sous son autorité, prétexte à une occupation de fait des trois cantons qui forment le Rojava. En soutenant cette proposition que les Kurdes récusent, Hollande choisit, par pur opportunisme géopolitique, la pire des solutions pour la résistance kurde.

En effet, la coalition, qui prétend travailler à éliminer les djihadistes, dirigée par les États-Unis et à laquelle l’État français s’est rallié, ne peut ignorer que, pour vaincre l’EI, des frappes de drones et de missiles ne peuvent suffire, qu’il faut absolument financer et armer ceux qui se battent sur le terrain. À savoir, en l’occurrence, les Kurdes. En Syrie comme en Irak, où au mois d’août dernier ils sont intervenus pour sauver des milliers de Yézidis réfugiés dans les monts de Sinjar, ce sont les mouvements révolutionnaires kurdes qui sont en première ligne. Mais le problème, c’est qu’ils le font à leur manière : loin de faire la moindre confiance aux États et aux régimes en place, ils poussent et aident les populations de cette vaste région, kurdes et autres, à se battre, à s’autodéfendre, à s’armer militairement et politiquement, à compter d’abord sur leurs capacités de mobilisation pour protéger leur territoire.

Cette invitation à l’autodétermination et à l’organisation autonome contient un redoutable parfum de liberté, une menace de sécession et d’insubordination, de rupture dans les relations de pouvoir établies (clientélisme, corruption, patriarcat, obéissance à des systèmes de croyances et de transcendances extra-sociales). Et c’est de cela que la coalition arabo-occidentale ne veut pas.
Pour nous, au contraire, cette « menace »-là, c’est notre espoir. L’espoir de voir enfin sortir du chaos moyen-oriental une force susceptible de combattre à la fois l’obscurantisme religieux et l’option militaire qui, depuis des décennies, sont le lot des populations de la région. L’espoir de voir renaître des mouvements de résistance aux pouvoirs établis, porteurs d’émancipation. Déjà, l’offensive de l’EI à Kobané a provoqué une formidable mobilisation des Kurdes en Turquie (violemment réprimée : 22 morts annoncés) et dans la diaspora : manifestations dans des villes d’Europe, rassemblements de milliers de personnes sur la frontière, infiltration de plusieurs centaines de volontaires pour défendre la ville. De notre côté, nous pouvons et nous devons nous mobiliser pour apporter un soutien clair à ces mouvements de résistance, en relayant leurs revendications et en aidant à l’expression des forces d’émancipation dont ils sont porteurs.

Anarchistes solidaires de la résistance du Rojava/Kurdistan
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