Le vendeur de journaux âgé de 46 ans était en train de distribuer les quotidiens kurdes Azadiya Welat et Özgür Gündem dans le quartier Sakir Pasa de Seyhan, lorsque deux individus à moto ont tiré sur lui avant de prendre la fuite. Atteint de cinq balles, dont une à la tête, il a succombé à ses blessures quelques heures plus tard.
Employé de la société de presse Firat, Kadri Bagdu travaillait depuis 17 ans dans ce secteur. L’organisation rappelle que cet assassinat intervient au terme d’une semaine marquée par les émeutes les plus violentes depuis 30 ans en Turquie.
« Nous adressons nos sincères condoléances aux proches et aux collègues de Kadri Bagdu », déclare Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières. « Une enquête complète et impartiale doit être diligentée pour identifier au plus vite les tireurs et leurs éventuels commanditaires. Nous en appelons aux autorités et à toutes les parties prenantes pour enrayer la montée des tensions et éviter qu’à cet assassinat ciblé ne succède une nouvelle spirale de violence. »
La politique liberticide du gouvernement AKP et sa position inhumaine et anti-kurde face à la résistance des combattants qui défendent farouchement la ville de Kobané, assiégée par les barbares de Daesh depuis 15 septembre, a déclenché le 6 octobre une mobilisation sans précédente des Kurdes en Turquie, se soldant par la mort d’une quarantaine de personnes en une semaine.
Près de 80 travailleurs de la presse kurde tués
L’assassinat de Kadri Bagdu rappelle les années 1990, au cours desquelles des dizaines de journalistes et distributeurs kurdes ont été assassinés en plaine rue et les locaux des journaux ont été la cible des attaques à la bombe.
Entre le 30 mai 1992 et le 14 avril 1994, huit correspondants et dix-neuf distributeurs du quotidien Özgür Gündem ont été assassinés par les forces de l’Etat. Interdit en 1994, ce journal a de nouveau vu le jour en avril 2011, soit 17 ans plus tard.
Après l’interdiction, le journal Özgür Ülke avait remplacé Özgür Gündem avec le slogan « Aucune vérité ne restera dans l’obscurité ». Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1994, trois explosions ont visé deux bureaux du journal à Istanbul et un à Ankara, faisant un mort et 23 blessés parmi les travailleurs. Quinze jours plus tard, le journal a révélé un document « confidentiel » signé par Tansu Ciller, la première et la seule femme à exercer la charge de Premier ministre dans son pays entre 1993 et 1996.
Depuis le premier journal de cette tradition, appelée « la presse libre », plus de 50 journaux quotidiens et hebdomadaires sont sortis, défiant toutes les autorités répressives. Au moins 77 travailleurs de la presse kurde dont plus de 30 correspondants ont été tués depuis 1990 en Turquie, tandis que des dizaines de journaux ont été fermés des centaines de reprises et des locaux ont été détruits par des bombes sur ordre des autorités.
23 journalistes emprisonnés
En 2013, la Turquie était la plus grande prison du monde pour les journalistes. Entre 2009 et fin 2013, le nombre de journalistes emprisonnés a dépassé le seuil des 100 personnes. Selon la Plateforme de soutien aux journalistes emprisonnés (TGDP), 23 journalistes dont 3 rédacteurs en chef et directeurs étaient toujours derrière les barreaux en juillet 2014.
Lu sur Actukurde.fr